À trois on y va, de Jérôme Bonnell

Charlotte et Micha sont ensemble depuis suffisamment longtemps pour que leur couple commence à tourner en rond. Charlotte trompe Micha, Micha pense à quelqu’un d’autre. Surprise : ils sont épris de la même personne, Mélodie, leur meilleure amie.

Insérer une bonne dose d’homosexualité et même de triolisme dans une comédie romantique, française de surcroît, peu après la sortie des sous-bois de nos amis les catho extrémistes anti Mariage pour tous, c’était surement un peu osé. D’autant plus que nous avons quelques exemples de comédies pas très fines sur ce genre de sujet risqué (vous avez dit Poltergay ?)

Jérôme Bonnell réussi pourtant un presque sans faute avec une histoire traitée sobrement, pour ne pas dire tout à fait normalement. À trois on y va est découpé en 3 (oh tient) parties : contrairement à ce que j’imaginais nos héros restent dans l’ignorance durant une bonne moitié du film, s’aimant et se trompant chacun de leur côté. Vient ensuite le temps de la réunification ; avant la fin, troublante, j’y reviendrai.

« Je suis bien »

À trois on y va est d’abord une histoire d’amour, et là dessus le film est particulièrement juste. Dans la façon de s’aimer, dans les hésitations, les aveux, les peurs, les regrets, les hésitations encore, les hésitations toujours, dans les scènes d’amour, tout sonne juste et la plupart d’entre nous (je vous le souhaite en tous cas) s’y retrouvera. Comme si Jérôme Bonnell avait lu dans mes pensées. Comme si j’avais réalisé ce film : si je m’attelais à la réalisation de ma vie, de mes histoires d’amour, le jeu des comédiens devrait ressembler exactement à ça.

Dans « comédie romantique » il y a « comédie », mais rien ici n’est forcé, appuyé. Tout est frais et si on rit de bon cœur, c’est de situations réalistes qui nous sont parfois déjà arrivé, et où seule la bienséance nous empêche de rire quand nous en somme acteur.

« On s’en fou d’être adultes »

Quand vient le temps de s’aimer à trois, le film ne change pas : la vie et le métrage continuent sur le même élan, tout est fluide et naturel.

On en vient à désirer ce genre de relation, mais bon, quel homme hétérosexuel ne voudrait pas d’Anaïs Demoustier et Sophie Verbeeck, ensemble ? Trop facile ☺️

Et un, et deux, et trois… zéro ?

Alors, À trois on y va, comédie romantique française parfaite ? Non. La fin est particulièrement déstabilisante. Gênante.

 

 

Attention, spoiler :

 

 

Charlotte s’en va. Elle abandonne Mélodie et Micha. Décide qu’ils sont faits l’un pour l’autre et disparait.

D’accord il y avait des signes : avec Micha ce n’était plus l’amour fou des débuts, et pendant tout le film elle montre toujours une certaine hésitation à aller vers Mélodie.

Mais pourquoi avoir choisi cet angle ? On nous vendait un trio décomplexé. On se retrouve avec d’un côté une nana qui s’est fait une petite expérience homosexuelle parce qu’elle s’ennuyait et de l’autre un couple hétéro bien sous tous rapports (😏) qui en remplace juste un autre.

« Tout est bien qui fini bien », À trois on y va est aussi (ou « en fait ») un petit film d’horreur pour partisans de la Manif pour tous, un petit frisson qui se termine bien, idéologiquement bien moins perverse encore que 50 nuances de Grey.

Le film jusque là simple et juste sur un triangle amoureux sombre d’un coup et se retrouve violemment hétéronomé.

C’est dommage. Et même totalement « WTF », ai-je envie de dire. Ça sent bon l’exigence du producteur pour ne pas choquer madame Michu et les chaines de télé.

La mécanique du cœur

Bon. J’avais envie de l’aimer ce film. Et si j’oublie cette fin, j’aime toujours tout ce que j’ai vu avant. Alors je n’ai pas envie de finir sur une note négative.

Je conclurai donc en parlant technique. De quelques points de réalisation :

La gestion des SMS et des téléphones déjà.  Chacun des trois personnages a un téléphone sous un système d’exploitation différent, ce qui aide à la lisibilité du film et offre en plus beaucoup de fraicheur en terme de variété des interfaces. Micha utilise un vieux coucou à clavier mécanique (Blackberry ? J’ai un trou de mémoire), Charlotte iOS et Mélodie a un Windows Phone sur fond blanc. C’est du plus bel effet. Et malgré les gros plans réguliers sur ces appareils, notre esprit ne sort jamais du film pour se demander si c’est du placement de produit.

Côté SMS point d’incrustations à la Sherlock ici, mais des plans sur les écrans particulièrement soignés. Un en particulier, où d’une traite Micha écrit tout un SMS, rapidement, l’efface et écrit autre chose. On voit à la fois l’écran et ses doigts appuyer sur les touches, le correcteur, les mots qui se créent et se défont… C’est superbe et probablement assez compliqué à réaliser. Si ça se trouve ce n’est même pas Félix Moati qui écrit mais une doublure championne de France de SMS (rigolez pas, le concours existe).

atroisonyva_sms_melodie_gif

Le Nokia Lumia de Mélodie.

Le film se déroule aux alentours du 14 juillet, principalement à Lille. Mais un plan, un seul est tourné en extérieur à Paris. Rive gauche, devant Notre-Dame de Paris. Et pile dans ce plan, hasard ou pas, on voit passer en plein milieu un bus « Castor » : les autobus mis en place par la SNCF chaque été pendant les travaux d’étanchéité du RER C dans Paris. C’est amusant : cette scène de trois ou quatre secondes, se passant en plein été, a bien été tournée en plein été et un élément pourtant aléatoire (le passage d’un bus en particulier) le prouve et renforce le réalisme.

Et ça, ça tabasse.

À trois on y va, 1/5 étoiles sur Vodkaster.
J’ai hésité avec 4, voir 4,5 étoiles, mais décidé de sanctionner la fin.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.