Un tweetwall c’est cool : vous affichez sur un écran tous les tweets répondant à un critère particulier, en général ceux qui emploient votre hashtag. Mais c’est risqué : on peut s’en servir pour écrire des horreurs, d’ordre général ou ciblant votre activité.
Malkovich ? Malkovich, Malkovich. Malkovich… #futuroscope #givroscope pic.twitter.com/gUF64LqYSc
— Pierre-B (@Timekeeper) 19 décembre 2015
On peut aussi jouer à Inception sur un tweetwall <3
#Hashtag
Lors d’une conférence, le tweetwall peut dynamiser une présentation, permettre de rebondir sur les commentaires qui s’affichent. Mais ce n’est pas ce qui m’intéresse le plus aujourd’hui.
Dans un musée, installer un tweetwall et un Instagram wall à l’entrée d’une exposition est un excellent moyen d’encourager les gens à communiquer sur votre expo. Petite parenthèse, ça permet aussi de désamorcer rapidement cette angoisse de plus en plus présente chez les visiteurs de musées : « vais-je me faire engueuler car je prend des œuvres d’art en photo ? »
Police du tweet
Comment éviter les débordements ? Pour un tweetwall éphémère, le temps d’une conférence par exemple, la modération en direct est incontournable : si la conf’ est visible sur internet, les petits malins risquent de s’en donner à cœur joie. Bien trop souvent ces tweetwalls sont affichés sans aucune surveillance, les internautes testent (mais qui le leur reprocherait ? 😏) et ça part vite en quenouille. Et un simple avis négatif, même argumenté, n’a rien à faire sur la scène. Mais, ce n’est vraiment pas ce qui m’intéresse le plus aujourd’hui. Pour un tweetwall moins risqué, comme c’est le cas d’un écran posé nonchalamment dans le hall d’un musée, la détection de mots clés est la base. Avec un peu de surveillance par dessus, qui de toutes façons s’intègrera dans la veille habituelle sur les mots clés du musée.
L’art et les bonnes manières
Seulement, faut-il purement et simplement ne pas afficher les messages comportant des mots… disons… jugés vulgaires par une partie de la population dans notre culture occidentale du début du XXIè siècle et pris hors contexte (le filtre détecte une suite de caractères, pas le sens des mots replacés dans une phrase, encore moins dans un lieu) ? Au Grand Palais, quand on tweete certains mots, ils sont… remplacés par un autre :
Tête de bite. #PicassoMania pic.twitter.com/8Ck8HHO51m — Sébastien Ganzer (@SebGanzer) 29 février 2016
Haha ! Le Twitter Wall de #PicassoMania transforme « bite » en « J’aime » 😀 pic.twitter.com/Ts6Z0r7rx3
— Sébastien Ganzer (@SebGanzer) 29 février 2016
Il m’était, fort logiquement, arrivé la même chose quelques jours plus tôt :
[la bite] <-> [J’aime]
C’est rigolo. Mais ça m’embête quand-même un peu. Ce filtre tire sur tout ce qui bouge, mais on parle ici d’artistes contemporains, pas franchement grenouilles de bénitier. L’œuvre qui nous a fait réagir, Sébastien, moi, et à peu près tous les visiteurs de Picasso Mania, installée dès le début de l’expo, se nomme « Dick Eye » :
Dame à sa fille de 7 ans « là c’est un doigt qui sort par l’œil. » (Paul McCarty, « Dick Eye », 2002 😏) #PicassoMania pic.twitter.com/cWdZXDRcgX — Pierre-B (@Timekeeper) 25 février 2016
Faut-il censurer le mot « bite » quand on expose des bites ? Et qu’on invite les visiteurs à commenter leur visite et prendre les œuvres en photo ? Quand, au delà d’un pénis dès la première salle, toute la fin de l’exposition est dédiée à des scènes de relations sexuelles, avec des dizaines et des dizaines et encore des dizaines de dessins de pénétrations, masturbations, sado-masochisme, et un curé draguant une fillette ?
Je pense que le sujet n’a tout simplement pas été abordé : ce filtre est là par défaut, et personne ne s’est posé la question du champ lexical des artistes contemporains.
Je tweete donc je suis
Pourtant c’est une question importante. Les couloirs du Grand Palais deviennent de facto un lieu où les gros mots ne sont plus autorisés. Au milieu des pénis en silicone et des cunilingus en glasochrome, les mots eux, sont mis à l’écart. C’est inutile et ne fait que rappeler les moments les plus sombres de notre histoire. Car si aujourd’hui à l’expo sur Picasso, on m’empêche de m’exprimer à propos de tête de bite, peut-être que demain à l’expo Vuitton, je ne pourrai plus parler de mocassins à glands.