La Famille Bélier, d’Éric Lartigau

La Famille Bélier c’est avant tout une campagne de pub plutôt imposante, commencée il y a de nombreuses semaines avec une affiche particulièrement immonde qui envahissait nos stations de métro.

Vue d’esprit…

Vue d’esprit…

Non, vraiment. Tout est réuni pour qu’on pense à une parodie de série par les Inconnus.

Et puis dernièrement la bande-annonce est arrivée dans toutes les salles de cinéma. Avec son montage efficace et du Michel Sardou, elle était pêchue et donnait vraiment envie. Mais si on a pas vu la BA, la Famille Bélier c’est quoi ? Résumé :

Paula est une adolescente dont les parents sont et ont été. Grâce à Raymond Domenech, elle va découvrir son don : la flûte à six Schtroumpfs. Sa vie va basculer en trébuchant sur une Autolib.

Ah non pardon, ça c’est un pitch aléatoire du générateur de pitchs de Télérama. Le résumé c’est ça :

Paula est une adolescente dont les parents sont sourds et muets. Grâce à un prof de chant très spécial, elle va découvrir son don : une voix d’or. Sa vie va basculer en chantant du Michel Sardou.

Depuis hier ce sont les médias qui s’en sont emparés : ils ne disent pas que c’est génial, ils disent qu’on va trouver ça génial. Bizarre. Un film auto-proclamé succès public avant même ses premières séances. Où va-t-on ?

À la volonté du peuple

Bon mais si on oublie la comm’ maladroite, le film vaut quoi ? C’est brillantissime ou c’est une bouse ? C’est fort sympathique mais pas exempt de défauts.

Avec ses personnages hauts en couleurs, ses acteurs motivés et son scénario original, la Famille Bélier se détache agréablement du flot de « Comédies Françaises™ » que j’aime conspuer.  La présence d’Éric Lartigau (Mais qui a tué Paméla Rose ?, un Ticket pour l’espace) à la réalisation lui permet également de s’élever un peu au dessus de ces comédies dont on se demande pourquoi elles n’ont pas été tournées pour la télévision.

Éric Lartigau sur le tournage. (Crédits : Mars Distribution)

Éric Lartigau sur le tournage. (Crédits : Mars Distribution)

Une comédie sympathique donc, très attachante, mais pas un film musical comme on aurait pu s’y attendre. Petite déception de ce côté là, il n’y a pas tant de Michel Sardou que ça : jamais, si ce n’est à la toute fin, le film ne se lance dans des numéros musicaux. Quand on voit la chorale répéter, ça ne dure jamais longtemps. Même lors de leur spectacle devant les parents, c’est un medley de Sardou qui nous est présenté. Même Paula (Louane Emera) ne chante pas aussi bien que dans le magnifique Je vole qui vous saisi dans la bande-annonce : normal, elle découvre à peine ses talents et du coup ne chante pas avec une grande justesse au début du film. Normal mais un peu frustrant. Avec un tel matériel (je parle autant du répertoire que des chanteurs, Louane Emera comme le cœur entier) il y avait moyen de faire plus de séquences musicales, des vraies de vraies (« oui mais c’est celle qui plaît » …désolé).

Heureusement les acteurs sont convaincants. François Damiens, privé de parole, prouve qu’il est plus qu’un accent belge en proposant un personnage très drôle. Karine Viard est inattaquable elle aussi, malgré un personnage parfois assez excité. C’est une sacré performance de ces deux là de rendre crédible des personnages de sourds. Je suis très loin d’être bien placé pour juger sérieusement bien sûr, mais ça m’a paru réaliste.
Louane Emera, pour qui ce premier rôle est son premier rôle (trop facile, désolé) quant à elle, débute avec un fort capital sympathie. Gagnante candidate d’une édition de The Voice, tout n’est pas parfait, elle n’est pas toujours très juste dans son jeu mais n’est pas aidée par des dialogues la faisant régulièrement jouer l’hésitation à base de « hein, mais, hein, mais alors, hein ». À l’opposé les textes du professeur de chant frustré sont un régal : traumatisé par les bouseux de province pensants que Gérard Lenorman est Normand, on connait tous quelqu’un qui se rapproche de cette caricature pas si poussée. Éric Elmosnino qui l’interprète est peut-être juste un poil pas assez impliqué dans ses fameuses tirades, donnant légèrement l’impression d’être Louis Bertignac s’essayant à la comédie.
Impossible de conclure sur les comédiens sans parler de Roxane Duran. Aaaah, Roxane Duran. Elle est belle, elle joue bien, elle est belle, elle est drôle, elle est belle, elle… Elle est rousse, c’est déjà une part du travail de pré-mâché, mais vraiment : elle est adorable et parfaite ici. Tient d’ailleurs j’ai eu l’impression que les roux et blonds vénitiens étaient surreprésentés dans la Famille Bélier. Je sais pas, c’est peut-être une idée. mais par exemple, lors du spectacle, dans le public, j’en voyais partout. « Il voit des roux partout ».

Donc les acteurs sont formidables, l’histoire part sur des bases originales, malheureusement, on se doute bien que tout ça va bien se finir. La Famille Bélier souffre de n’offrir aucun suspens. Le rythme ne s’effondre jamais, mais au bout d’un moment j’ai quand-même eu un passage à vide : l’envie d’accélérer, de zapper deux ou trois chapitres, mais la télécommande du DCP avait glissé entre les sièges et impossible de la retrouver. On imagine mal la gamine foirer son audition, son petit ami continuer de bouder ou ses parents réellement se fâcher. Cette adolescente ne vit que des psychodrames d’adolescents. Le personnage d’Elmosnino le dit à un moment : les adolescents croient que le monde tourne autour d’eux. Ça ne me parait pas voulu, mais le film fonctionne comme ça : avec des préoccupations d’ado. C’est dommage. La bleuette finie par lasser le mâle que je suis, qui doit se résoudre à sauter de gag en gag en regardant l’héroïne se débattre avec sa bêtise timidité adolescente.

Sans quoi, avec un peu plus de surprise, le film aurait certainement pu convaincre encore plus. Heureusement il y a tout le reste, ces bons points que j’ai cité ; et puis il y a Je vole, quand-même. Qu’on attend fébrilement, et qui malgré cette attente ne déçoit pas. Cette chanson est belle, cette reprise est magnifique et j’ai vécu ce moment incroyable, un jour de semaine en plein après-midi dans un cinéma caché sous un palais des congrès, entendre une salle presque pleine, une centaine de personnes, renifler, un peu gênées, à la fin de la scène. J’aurai pu m’en douter, un ami à eu « des frissons » rien qu’avec la bande-annonce.

La Famille Bélier, 3,5/5 étoiles sur Vodkaster.
En vente en DVD et Blu-Ray sur Amazon.

2 réflexions sur « La Famille Bélier, d’Éric Lartigau »

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