Ou un « faux raccord » comme disent les d’jeunz à cause de l’émission d’Allociné, même si ça n’en est pas un.
C’est un petit détail – de mise en scène – qui m’amuse à chaque fois. Quand ses invités arrivent sur l’île, John Hammond les conduit au Visitor Center pour une découverte des installations, au travers d’une salle rotative : on s’assoit, on regarde d’abord un film expliquant la recréation des dinosaures, ensuite la salle tourne sur elle-même pour dévoiler le laboratoire à travers une paroi vitrée. Ensuite la salle doit normalement continuer de tourner pour révéler la salle de contrôle du parc.
En vidéo, ça donne ça :
Rien ne vous choque ? Moi, si. (Oui, mais moi…)
La fine équipe s’installe dans la salle de cinéma. Ils sont debout, mais ne gênent pas la projection sur l’écran, et la projection ne s’étale pas sur leurs vêtements : c’est donc a priori une rétro-projection.
Ah, juste au cas où : la rétro-projection, c’est quand on place le projecteur derrière l’écran, qui est translucide. On voit le film par transparence. Les tableaux qui changent d’apparence dans Phantom Manor : c’est de la rétro-projection. Les énormes écrans de télé des années 90, à l’image très moche, ou les vidéo-projections en vitrine chez certains commerçants (les agents immobiliers adorent ça) : c’est encore de la rétro-projection.
Rapprochons-nous : John Hammond est devant l’écran. Pourtant l’image ne se projette pas sur lui et il ne fait pas d’ombre noire sur l’écran. Au pire remarque-t-on l’ombre de son chapeau, portée par un éclairage qui met en valeur le comédien (Richard Attenborough, décédé cette année), mais on voit toujours le film derrière l’ombre.
Autre détail, pas forcément bien visible ici, l’image ne semble pas déborder sur le cadre noir autour de l’écran. Si c’est frontal, c’est cadré au millimètre.
Et pourtant…
Quelques secondes plus tard…
COMME AU CINÉMA !
Un projecteur dans la cabine au fond de la salle. Seulement sur les plans de face : nous ne remarquions pas sa lumière dans leur dos au début de la scène.
Plus amusant encore :
C’est une cabine tout équipée : 2 fenêtres pour 2 projecteurs (et 2 autres pour surveiller la projection en restant à côté du projo). Classique dans un cinéma traditionnel : utile quand on passe un long métrage sur plusieurs bobines et qu’on ne veut pas les coller les unes aux autres (à l’ancienne quoi). Nettement moins utile pour un film de quelques minutes dans un parc d’attractions (comprenez : totalement inutile).
Mais peut-être monsieur Hammond compte-t-il se servir de cette salle pour des projections privées, le soir avec ses potes. Oui. admettons. Vu la forme de l’écran ça va pas être franchement tip-top. Et puis les lap-barres de sécurité, debout elles doivent gêner la vision, repliées c’est bien sûr désagréable pour voir un long métrage.
Amusant
Il était impossible de faire de la projection classique dans cette scène, à cause des acteurs passant fréquemment devant l’écran (j’ai envie de dire que c’est le choix naturel pour l’attraction également, si elle existait réellement : pour le passage où Hammond se place devant l’écran).
Mais il était impossible, artistiquement, de montrer le fond de la salle sans que n’en jaillisse l’étincelante lumière d’un projecteur. Les gens auraient pu voir une erreur de film là où il n’y en avait pas. Sans compter que ça rend le plan bien plus esthétique. Ça découpe la forme des personnages dans un décor très sombre, ils ressortent mieux, ils sont comme éclairés d’une lumière divine alors qu’ils vivent une révélation. Et puis un grand du cinéma, Spielberg, qui montre une salle de cinéma : faut que ça ressemble à une salle de cinéma ! Il y a une mise en abîme à cet instant, les protagonistes sont un peu dans la même situation que nous : on leur raconte la même histoire et ils sont bloqués par des lap-barres (et nous, par la réalité), séparés des dinos du labo par une vitre (nous, par un écran).
C’est un détail. C’est amusant. Mais c’est plus qu’une erreur : c’est une nécessité.
TARS : It’s impossible.
Cooper : No, it’s necessary.(Interstellar, Christopher Nolan)