TPMP, c’était mieux avant

On parle beaucoup de Touche pas à mon poste ces jours-ci. Surtout en mal. Sûrement à raison. Des grands médias (l’Obs) jusqu’aux blogs indépendants comme la Petite rapporteuse (qui a publié son article avant que ce ne soit la mode d’ailleurs. De justesse !) Mais on oublie trop souvent de rappeler les premières années de l’émission (Society le fait assez bien).

Naissance des pieuvres

J’ai adoré Touche pas à mon poste. J’ai été parmi ses premiers spectateurs. Je me souviens très bien être tombé sur l’émission par hasard, en errant sans but le soir tard devant ma télévision, zappant de chaîne en chaîne tentant de tuer un ennui profond. Et puis je tombe sur France 4. Cyril Hanouna mène une troupe d’inconnus à mes yeux mais visiblement du sérail, qui disent simplement ce qu’ils pensent des programmes télé de la semaine passée. Quand ils n’aiment pas ils ne se gênent pas, leur liberté de parole est presque étonnante. Quand ils aiment ils le disent aussi, et c’est tout aussi surprenant puisqu’on pourrait penser au premier abord qu’ils sont là pour tout défoncer dans la joie, la bonne humeur et la mauvaise foi. Mais non, on est super à l’aise devant Touche pas à mon poste.

Ces gens font des critiques. Au sens noble du terme : ils donnent leur avis. Tout simplement.

Enfin presque simplement. Parce que si le fond est honnête, la forme est grandguinolesque ! C’est ce qui maintient éveillé devant son écran à cette heure tardive. Chaque animateur1 a sa personnalité, certains en ont plus que d’autres. Certains aussi ont leur propre chronique récurante. L’émission est parfois l’occasion de happenings 2. Je me souviens d’un soucis avec quelqu’un du public : je ne remets pas s’il avait tenté d’intervenir dans l’émission, où s’il avait eu un malaise, ou autre chose, mais ça avait interrompu le déroulement du show, tout en étant conservé au montage. Je n’en ai jamais été certain, mais contrairement aux dires d’Hanouna, je pense que c’était organisé. C’était drôle. Il y avait une complicité palpable et peu commune entre l’animateur fou-fou et le public : le plan de caméras n’était pas conçu pour montrer les spectateurs, mais présentateur et spectateurs interagissaient assez souvent. Et parfois ce public devenait visible, à l’occasion d’un déplacement d’Hanouna et d’un cadreur caméra à l’épaule. On frôlait là l’improvisation. Cyril Hanouna a une putain de répartie, c’est indéniable.

Parfois moqué par l’équipe elle-même, ce décor était en effet un peu WTF.

Parfois moqué par l’équipe elle-même, ce décor était en effet un peu WTF.
Photo : projet Medi@tic.

Tout ça transpirait l’artisanat. Un décor bizarre avec des lustres en plexi autour d’une table moche en forme de télécommande fluo, des happenings débiles, un thème qui ne demande aucun budget (on parle de ce qu’on a vu à la télé), une liberté de ton totale et une chaîne idéale pour les expérimentations (bon, France 4 n’est pas Arte non-plus).

L’équilibre était parfait : beaucoup de critique, un peu de chroniques/magnétos, et un zeste de happening.
J’adorais les entendre donner leurs avis sur les émissions de la semaine passée. Je me régalais des extraits. Voir les pires moments de la real TV, mais aussi les bugs et autres problèmes techniques de la semaine. Me tenir au courant de tout ça, sans me forcer à regarder Confessions Intimes (ça aussi c’était mieux avant, il y a 15 ans) par exemple. N’en garder que la substantifique moelle.

De plus, on manque tellement de vrais débats à la télévision, où l’animateur laisse les gens s’exprimer sans les recadrer sur les questions qu’il a préparé tout seul avant l’émission (Pujadas, je te vois !), que même si c’était juste pour parler de télé, ben rien que ça ça faisait plaisir.

Touche pas à mon poste, c’était l’équilibre parfait entre des co-présentateurs qualifiés en télé et un animateur sûr-qualifié en clownerie.

Le Convoi de la peur

Et puis l’émission a déménagé sur D8. En apprenant ça j’ai eu peur. Tout le monde a eu peur. Cet équilibre est fragile, il risquait de se consumer.
Mais en fait, le transfert s’est bien passé. Tout de suite j’ai été rassuré : c’était la même chose. Décor plus cher mais dans la même configuration (à se demander si ce décor, qui sert à toutes les émissions de D8, n’a pas été pensé avant tout pour celle d’Hanouna), le public était maintenant mis en avant, bref on passait d’une émission intimiste de seconde partie de soirée à une émission populaire d’acces prime-time, mais l’esprit était resté le même. Et puis il y avait le direct : j’adore le direct, je me réjouissais de voir une émission de plus en direct dans le PAF !

J’étais accompagné dans ce changement par de nouvelles chroniques qui me convenaient très bien. Gros kiffe que les Questions en 4/3 de Jean-Luc Lemoine : quel plaisir de retrouver cette séquence qu’il avait inventé quelques années plus tôt pour On est pas couché (le Médiateur d’ONPC !). Bertrand Chameroy et Camille Combal faisaient des trucs super drôles aussi : j’en arrivais à retarder l’horaire de mon diner pour ne pas les rater.

L’Hydre de Lerne

Mais ça n’a pas duré. Ça n’a vraiment pas duré ! Très vite, l’émission à commencé à finir (quelle drôle de phrase…) de plus en plus tard. Jusqu’à vingt minutes de retard ! Faut pas pousser, j’ai une famille à nourrir (ou est-ce plutôt l’inverse ?). L’émission a été officiellement allongée. Pour dire plus de choses intéressantes ? Nooon : pour déconner de plus en plus. De plus en plus de hors-sujet fatiguant. Ça se courrait après, ça s’envoyait des tartes à la crème, … le happening prenait le pas sur le thème de l’émission 🙁

Et puis encore peu de temps après, elle a aussi commencé plus tôt. Comme les audiences étaient (très) bonnes, il fallait garder les gens le plus longtemps possible, et les faire zapper sur D8 le plus tôt possible. Comment occuper ce temps d’antenne ? Facile : en faisant venir deux fois plus d’invités. Au lieu d’avoir un invité par émission, on en recevait deux. Chacun son tour. C’était déjà la partie la moins intéressante sur France 4 : la promo d’un invité brossé dans le sens du poil ça se voit partout et c’est chiant à mourir. De longues, interminables, minutes de bandes-annonces, d’interviews, de happenings centrés sur ces invités.

L’émission était devenue du happening permanent. Des chroniques qui ne peuvent même plus se dérouler sans être interrompues par des blagues à la con, des invectives, … Celle qu’on appelle maintenant naturellement TPMP avait comme oublié l’origine de son propre sigle. Le « poste » était devenu superflu.

Je peux le comprendre : l’acces prime-time n’est pas la seconde partie de soirée, et ce genre de délire est parfait pour le public présent à cette heure là. Ça évoque les délires de Nulle part ailleurs et de Coucou c’est nous au début des années 90 : deux émissions en direct, bourrées de happenings et dont on parlait le lendemain autour de la marelle ou de la machine à café. Mais à une puissance décuplée. Il y avait des temps de respiration dans ces émissions, et des présentateurs qui savaient où ils voulaient aller. Là ou un Dechavanne est plus du genre à tenter de garder le cap de son émission mais sans résister au plaisir d’une blagounette quand elle lui traverse l’esprit, Hanouna est en roue libre totale. Il aime rire, et ne semble vivre que pour la déconne. Hanouna est en mode TOTAL YOLO. TPMP pourrait s’appeler Morning Live ou 60 Millions d’amis, ça serait la même chose : le concept, le fond, n’a plus aucune espèce d’importance, on est juste là pour voir Hanouna expérimenter des blagues toujours plus grosses sur ses camarades. Je ne reproche rien à Hanouna, ni à personne : le public répond présent, c’est donc que ça plaît. Mais ça ne plaît plus au même public que Touche pas à mon poste. Moi, ça ne me plaît plus. Pourtant parfois c’est très très bon, le coup de la destruction de la Smart de Matthieu Delormeau est digne des meilleurs Surprise sur prise, je me suis bidonné ce soir en regardant l’extrait. Mais c’est totalement perdu dans la masse.

Et personne n’en aura rien à foutre de mon avis de téléspectateur, puisque l’émission fait un carton. Faudrait quand-même faire gaffe. Les rumeurs actuelles sont certainement trop nombreuses pour être totalement injustifiées. Et même sans les articles de presse, quelque chose de bizarre se passe à l’écran. Ceux qui regardent d’un œil détaché le voient. Laurie l’a vu. J’ai été voir, je l’ai vu : les tics de Cyril Hanouna façon Nicolas Sarkozy me font flipper. Le stress ? J’espère. Manquerait plus que ce soit la drogue, façon grande époque Canal, ou pire Jean-Luc Delarue. Dans tous les cas, ça reste flippant : même s’il est juste surmené, une telle énergie ne vient pas de nulle part. Trop de café, trop de Red Bull, trop de Doliprane, ça peut suffire à vous envoyer à l’hosto. TPMP n’est plus ma came, j’espère que TPMP est la seule came de Cyril Hanouna. Je suis incapable de regarder une émission entière de ce qu’est devenu Touche pas à mon poste, mais Cyril je l’apprécie beaucoup. Il m’avait l’air sympa, il faisait des trucs frais. Il ne faut pas sortir de Saint-Cyr pour voir qu’aujourd’hui quelque chose cloche. Il n’y a pas besoin d’être journaliste et de vouloir faire un papier à scandale pour s’inquiéter de savoir s’il terminera la saison entier.

Touche pas à la santé.

 


Un prochain article reviendra sur un sujet précis des critiques actuelles : la distribution des lots des concours organisés durant l’émission. J’ai participé et ça s’est mal passé, mais mon cas me semble un peu compliqué : ce prochain article ne parlera pas vraiment de TPMP, mais surtout de Social Media.

Image de une : photo promo par AWCreation.com

  1. Je n’aime pas parler de « chroniqueurs » pour des gens qui ne tiennent pas une chronique : ils sont là tout au long de l’émission, ils sont animateurs. Si vous voulez vraiment utiliser un mot à la mode, ce sont des « experts » (beurk).
  2. Je ne le met pas en italique, happening est dans le Larousse)

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