Le Bluetram de Bolloré n’est ni un tram, ni un bus, bien au contraire

Premier décembre 2015. Anne Hidalgo inaugure le Bluetram de Vincent Bolloré, un prototype de transport en commun électrique dont une ligne est créée sur les Champs-Élysées à Paris.

Elle s’exprime à ce sujet sur Twitter, parlant de « tramway électrique […] sans rails ni caténaires » et c’est une déferlante de moqueries qu’elle se prend en échange. J’y ai même participé.

Mon commentaire m’a valu quelques échanges avec des partisans du « c’est un tram » et des pro « c’est un bus ». Un pro-tram m’a fait découvrir cet article, qui devait me convainvre que c’est bel et bien un tram. L’article est très intéressant, sans me convaincre, il m’a éclairé.

Faisons donc le point.

 

Les futures tailles de Bluetram.

Les futures tailles de Bluetram. (photo promo Bolloré)

Définitions

C’est quoi un tram ? Dans le langage courant, un « tram » désigne soit un « tramway », à savoir une sorte de train évoluant dans les rues d’une ville, sur des rails installés sur la chaussée et généralement alimenté par une caténaire suspendue au dessus de la chaussée ; soit un « trolleybus », c’est à dire un tram sans rails, sur pneus, ou dit autrement, un bus sans source d’énergie intégrée, qui doit suivre le chemin dicté par la caténaire tendue sur tout son circuit.

Dans les deux cas, ce véhicule se comporte comme un métro : il est dépendant de la caténaire qui lui dicte son chemin, sans quoi il ne reçoit plus d’électricité et s’arrête, telle une petite voiture Scalextric sortant de son rail.

C’est quoi un bus ? Le mot « bus » désigne un « autobus » : la définition du Larousse renvoie au terme « automobile » qui désigne un véhicule « mû par un moteur », celui-ci pouvant être électrique. Son moteur le rend donc indépendant, il peut se rendre où bon lui semble. Le trajet du bus est dicté par l’obligation morale de desservir les arrêts définis par son exploitant, mais virtuellement le chauffeur peut décider qu’il en a marre de la grisaille et emmener tous ses passagers à la campagne ou à la mer. Dans la limite de la capacité de son réservoir / de ses batteries, mais ça se rempli à peu près n’importe où. Plus sérieusement, il peut contourner une rue en travaux, peut ne pas s’arrêter pour gagner du temps si personne ne souhaite monter ou descendre, etc.

C’est un tram !

Le Bluetram serait-il un trollleybus ? Non. Bien sûr que non : il n’a pas d’alimentation électrique, il stocke son énergie dans une sorte de super batterie (le supercondensateur). Il stocke son énergie. Comme un bus électrique.

C’est un Bus !

Le Bluetram serait-il un autobus ? Non. Bien sûr que non. Il n’a aucune autonomie (au sens de liberté comme de distance) 1. La très faible capacité de ses supercondensateurs lui interdit de s’éloigner du chemin prédéfini. En ça, il est tout autant dépendant de son parcours pré-établi qu’un trolleybus ordinaire, coincé sous sa caténaire. Il ne peux pas non-plus se permettre de ne pas s’arrêter sous prétexte que personne ne veux monter ou descendre. En ça il est même aussi contraignant que le métropolitain.

C’est un mec qui vole, avec un pyjama et une cape ?

Ben… oui. C’est plus probable. En fait, le Bluetram n’est ni un bus ni un tram : c’est un véhicule équipé de supercondensateurs. C’est une sorte de bus électrique avec les contraintes du tram. En l’état actuel de la technologie, il ne peut en être autrement. L’idée d’expérimenter est bonne, il faut encourager l’innovation, surtout made in France, mais la communication, politique, est très maladroite, bien que pas du tout surprenante à notre époque. Bolloré emploi le mot « tram » dans le nom de son projet, et la Mairie de Paris fonce dedans à pieds joints. Cette machine est simplement une évolution, intéressante, du bus électrique, qui possède encore des contraintes dignes du tram. Il ne faut pas l’appeler tram alors que c’est proche d’un bus. Il ne faut pas l’appeler bus alors que ça a l’usage d’un tram.

Physiquement, c’est un bus. Mais l’usage est celui du tram. Donc tout le monde à raison : ceux qui y voient un tram ont raison. Ceux qui y voient un bus ont raison. Mais en s’obstinant à faire le choix de la dénomination « tramway », Anne Hidalgo divise les citoyens en deux camps : le simple nom du projet devient un sujet politique. Quelqu’un qui y voit un bus enrage contre ces politiques qui ne savent pas de quoi ils parlent. Quelqu’un qui y voit un tram considèrera les pro-bus comme d’horribles militants d’opposition. On peut aller loin comme ça : si je me considère de Gauche et que j’y vois un bus, dois-je considérer Anne Hidalgo comme vendue à la Droite, telle François Hollande faisant le jeu du Front National ? (référencement Google mon ami)

Le Bluetram a créé un clivage digne du célèbre « clivage Gauche / Droite » alors qu’en réalité tout le monde a raison. C’est à peine croyable.

Tout est politique. Même involontairement.

 

 

  1. en fait, il est quand-même équipé, en plus des supercondensateurs, de batteries classiques, d’une autonomie de 50 kilomètres, pour faire le trajet entre le dépôt et la première station

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