La Cinémathèque crée une expo sur une série télé

Grande première à la cinémathèque de Paris. Alors que l’on célèbre cette année les 100 ans de son fondateur, Henri Langlois, l’institution crée la surprise et s’ouvre aux séries télévisées.

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Ainsi avait lieu aujourd’hui le vernissage d’une exposition toute particulière puisque dédiée à la série les Experts.

« Les Experts : Cinémathèque Scene Investigation »

Cette initiative risque de faire grincer des dents chez les puristes, mais est totalement justifiée selon les dires du commissaire (de police, ah ah) de l’exposition Gaétan Gimebrasse : « les séries se rapprochent de plus en plus des films. Que ce soit au niveau du budget (notamment en post-production) comme Game of Thrones, de la durée, comme Sherlock dont une saison se construit sur trois épisodes seulement, ou par leur construction comme House of Cards conçue pour être regardée d’une traite, comme on regarde un film. » Une théorie qui tient la route. D’autant plus que dans le même temps « les films se serialisent de plus en plus. Hollywood ne pense plus les films comme des fictions unitaires de deux heures mais en termes de licences et les suites sont devenues la norme. Bien souvent la date de sortie d’un numéro 3 est prévue avant-même que le premier film d’un univers ne soit sorti sur les écrans. » Et on aurai du mal à lui donner tord. Déjà les suites de Pirates des Caraïbes avaient été tournées en même temps, quand la saga du Seigneur des anneaux a monopolisé Peter Jackson plusieurs années durant. Aujourd’hui l’avenir du reboot de Spider-Man est inscrit dans le marbre, inéluctable et Disney-Marvel a un plan sur une dizaine d’années pour son univers prolifique, où rien n’est décidé au hasard, où le deuxième volet de Captain America était prévu dès le départ comme JJ Abbrams savait comment terminer Lost au moins six ans avant le dernier épisode.

« Nous ne renions bien évidement pas le Cinéma »

Gimebrasse tient à rassurer les plus sceptiques : le cinéma restera la principale raison d’être de la Cinémathèque. « L’exposition Les Experts : Cinémathèque Scene Investigation fait figure de test grandeur nature, mais je ne me fait aucun doute sur son succès« .

Cette année étant d’ailleurs celle du centième anniversaire d’Henri Langlois, c’est à lui qu’est dédiée la grande salle d’exposition au cinquième étage du bâtiment de Franck Gehry.
Il a fallu redoubler d’ingéniosité pour réussir à caser en même temps l’exposition sur les Experts, et c’est finalement dans les toilettes du rez de jardin qu’elles ont trouvé refuge. « Alors oui, ça peut surprendre, mais en cassant une cloison entre les WC hommes et les WC femmes, nous avons dégagé une belle surface qui se prête à merveille à cette exposition de taille plus intimiste que ce à quoi nous avions habitué notre public ; toujours dans cette optique de tâter le terrain et de ne pas choquer inutilement. Rien n’a été détruit, nous avons intégré l’architecture des lieux dans la scénographie comme nous le faisons toujours à la Cinémathèque. »

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La couleur rouge des nouveaux sièges en salle Langlois ? Pas un hasard, le rouge est la couleur du sang, symbole s’il en est des séries policières, mais aussi mythe obsédant de tout un pan du cinéma en noir et blanc. Si Hitchcock était encore là, il approuverait.

Scénographiée comme une enquête policière (et c’est la que, personnellement, je trouve le procédé un peu trop facile, semblant tout droit sorti d’ une expo à la Cité des Sciences), l’exposition nous emmène sur les lieux d’un meurtre inexpliqué. Une danseuse nue d’un club de striptease de Las Vegas connue sous le fier pseudonyme de Lola-Lola, est retrouvée assassinée dans les toilettes d’un hôtel-casino. Munis d’un carnet de jeu et d’un crayon à gomme (le spectateur de la Cinémathèque n’étant pas habitué à devenir acteur, cet outil de correction montre le soin apporté à cette expo) le visiteur sera invité à mener l’enquête. Intelligemment, le monde du spectacle dans lequel baignait Lola-Lola et les coulisses véritables de la série se mêlent admirablement pour créer une exposition détaillée mais plus ludique que jamais. La scénographie audacieuse offre notamment des interviews passionnantes de William Peterson et Anthony E. Zuiker. L’exposition ne manque pas de consacrer un mur entier au succès de la version française des Experts, R.I.S. Police scientifique, l’occasion de se souvenir que notre fierté nationale est en réalité inspirée d’une minable copie Italienne des Experts, anecdote cocasse quand on voit la belle réussite que nos producteurs de talent ont su en faire, certains de nos scénarios ayant même été rachetés par les Américains. La pièce centrale de l’exposition reste bien sûr la collection complète des modèles réduits du Tueur aux maquettes, mais les fans s’amuseront de voir un encart dédié aux rumeurs de grossesse de Jorja Fox qui enflaient (si vous me permettez l’expression) sur les forums, dont les membres ont longtemps eu les yeux rivés sur le t-shirt de leur petite protégée.

Les lieux du crime. Il manquait encore le sang de la victime, mais on nous a assuré que sa livraison était une question d’heures et qu’il serait en place pour l’ouverture demain matin.  Les fans se sentirons soulagés en découvrant que tout pourra être remis en état dès la fin de l’exposition.

Les lieux du crime. Il manquait encore le sang de la victime, mais on nous a assuré que sa livraison était une question d’heures et qu’il serait en place pour l’ouverture demain matin.
Les fans se sentirons soulagés en découvrant que tout pourra être remis en état dès la fin de l’exposition.

Enfin l’exposition se termine par l’immanquable boutique, installée dans la salle Jean Epstein, où les habitués tant de la Cinémathèque que de la série pourront se faire plaisir : outre les coffrets DVD, les posters et autre carnets de notes, cette fois la cinémathèque a fait très très fort en sortant une large collection de magnets : l’intégralité des phrases cultes de Grissom, prononcées juste avant le générique, sera disponible pour coller sur nos frigos ! Plusieurs centaines d’aimants disponibles à l’unité ou en coffret cadeau. De quoi conclure en beauté cette exposition.

« Un scandale »

Reste à convaincre les aficionados de la Mecque du Cinéma. L’arrivée de la télévision dans ce haut lieu de la culture cinématographique est vivement critiqué par certains et le vernissage à été terni par une manifestation devant la Cinémathèque sur la place Léonard Bernstein, quelques personnes allant jusqu’à mettre en scène la découpe de leur Libre pass. Parmi les principaux griefs, la fermeture – temporaire – des toilettes du rez de jardin. L’idée que les passionnés puissent se mélanger avec les touristes passe mal. « La salle Jean Epstein on s’en fou, personne n’y a jamais mis les pieds de toutes façon. Mais quand on passe un après-midi à la Cinémathèque et qu’on a que 7 minutes de battement entre 2 films, on ne peut pas en perdre 10 à faire la queue pour les WC ! » Me glissait un certain Pierre-Béranger, visiblement très remonté. « Et puis on ne peut même pas parler avec ses voisins de queue : ce sont des touristes, au mieux des provinciaux, ils viennent s’encanailler à une projection d’un vieux Spielberg qu’ils ont déjà vu enfants, mais essayez de tenir une conversation sur la période polonaise de Rudolf Mayer, essayez donc : c’est impossible !!! »
Serge Toubiana le directeur de la Cinémathèque est lui-même descendu calmer le jeu, re-expliquant la synergie de plus en plus importante entre la production de films et de séries. Et d’ajouter : « qui plus est, si nous devions commencer un processus de sauvegarde des séries télé, je ne dis pas que c’est le cas, j’ai pris les dispositions nécessaires afin d’assurer que le budget dédié à la protection des films ne soit pas impacté. Si cela devait se faire, nous recevrions directement les copies Blu-Ray des producteurs Américains, euh, et du monde entier, et comprenant vos inquiétudes, elles seraient stockées dans mon propre bureau. Nous sommes encore en négociations, mais je m’engage, solennellement, à accepter la garde du minuteur de Sliders dès le mois prochain. Si tout ça bien, le scénario de la saison 3 de House of Cards devrait venir compléter ce début de collection d’ici l’été. »

C’est sur ces mots rassurants que les portes ont été fermées par les agents de sécurité tandis que Gaétan Gimebrasse nous invitait à rejoindre la mezzanine pour découvrir un point photo permettant de s’immortaliser aux côtés d’une statue grandeur nature de Jerry Bruckheimer, qui restera en place le temps de l’exposition, succès assuré.

Lancée au début des années 2000, les premières saisons de « CSI » ont été tournées au format 4:3.

Lancée au début des années 2000, les premières saisons de « CSI » ont été tournées au format 4:3.

L’exposition Les Experts : Cinémathèque Scene Investigation à la Cinémathèque française sera accompagnée d’une rétrospective de Jerry Bruckheimer, des meilleurs films de William Peterson et d’un marathon les Experts qui occupera la salle Langlois pendant 3 semaines d’affilé.
Les dates sont à retrouver que le toujours aussi pratique calendrier en ligne de la Cinémathèque.

Infos utiles : www.cinematheque.fr
L’exposition Les Experts : Cinémathèque Scene Investigation : entrée 12€, Atout Prix -30%, Libre Pass accès gratuit ; du 2 avril au 31 août 2014, sauf si les manifestations continuent, sauf si tout est annulé le 1er avril au soir.

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